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Association IPSA
Aéronautique / Evénements

COP21 : l’espace, la décharge de la Terre ? 1/2

En pleine COP21, la question du développement durable s’est également invitée à l’IPSA à l’occasion de la grande conférence « Débris spatiaux, comment s’en protéger ? » organisée le 1er décembre 2015 en partenariat avec le magazine Ciel & Espace.

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Hervé Renaudeau, directeur général de l’IPSA

Dans bien des secteurs, la problématique de la fin de vie est une évidence. Pour Hervé Renaudeau, directeur général de l’IPSA, « le spatial » ne déroge pas à la règle et « concerne tous les domaines d’activité ». C’est pour cette raison et pour « ouvrir l’esprit des futurs ingénieurs au-delà de l’aspect technologique » que l’IPSA, en association avec Ciel & Espace, a décidé de placer la question des débris spatiaux, ces objets non fonctionnels présents dans en orbite de la Terre, au cœur de sa grande conférence annuelle. Elle a pu compter sur la participation d’un panel d’experts.

L’espace est plus « sale » qu’on ne le pense
Après une mise en abîme de David Fossé, rédacteur en chef adjoint du magazine, rappelant l’importance pour les ingénieurs de réfléchir à des solutions nouvelles face à cette problématique, la conférence débute par l’intervention de Christophe Bonnal, expert à la direction des lanceurs du CNES et président de la commission Débris spatiaux de l’Académie internationale d’astronautique (IAA). L’expert dresse alors un état des lieux implacable. « Il existe un grand nombre d’objets dans l’espace et sont catalogués tous les objets gravitaux suffisamment gros pour être visibles afin qu’on puisse étudier leur trajectoire, soit qui font au minimum 10 cm. En orbite basse, c’est-à-dire à 1 500 km d’altitude, une « coque  » composée essentiellement de satellites d’observation s’est même formée autour de la Terre. Comme Saturne, elle possède également son propre anneau avec cette fois des satellites situé dans la zone géostationnaire, satellites qui, si l’on s’arrête de les contrôler, commencent à dériver doucement et peuvent engendrer des problèmes de collisions. »

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David Fossé

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Christophe Bonnal

Toujours plus d’objets
À en croire l’expert, le nombre d’objets en orbite augmente significativement dans le temps. Ainsi, en 2015, ce n’est pas moins de « 7 000 tonnes d’objets » qui se trouvent en orbite au-dessus de nos têtes, soit « l’équivalent de la masse de la tour Eiffel ». Le phénomène n’est pas nouveau : depuis Spoutnik, le nombre d’objets envoyés n’a pas cessé de grimper malgré la réduction du nombre de lancements après les années 70-80, l’arrêt de la Guerre Froide et les réglementations en place depuis 1995 et 2002. « Cette augmentation s’explique par la fragmentation de ce qui était déjà là-haut, poursuit Christophe Bonnal. On dénombre environ 23 000 gros objets dans l’espace. Pour autant, comme l’espace est étendu, ce n’est pas un cas similaire à celui de la pollution marine : si on regarde la densité d’objets du volume autour de la Terre, la distance entre deux objets représente celle de deux bouteilles de soda perdues dans la mer Méditerranée. Pour autant, chacun de ces débris est là pour 1 000 ans et se déplace à 8 km par seconde. Du coup, il finit forcément par entrer en collision à long terme. »

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L’augmentation du nombre d’objets est saisissante

Des résultats parfois impressionnants
Qu’elles soient dues à des détachements (coiffe d’un télescope délestée par exemple), des collisions accidentelles ou des actes volontaires (la destruction par missile des satellites Fengyun 1C en 2007 et ou USA-193 en 2008), les défragmentations ne font qu’augmenter le nombre de débris, parfois de manière énorme. Ce fut le cas en 2009, quand l’Iridium 33 rencontra le débris Kosmos 2251, engendrant alors entre 2000 et 3 500 débris. Depuis cette collision, les états-majors des armées ont pour obligation de transmettre leurs probabilités de collision aux États et aux entreprises commerciales possédant un satellite susceptible d’être touché. Ainsi, des milliers d’alertes collision sont données chaque jour. Ces alertes sont à prendre sérieusement, puisqu’un débris de 1 mm peut engendrer une panne fonctionnelle et qu’un débris de 1 cm peut provoquer une fragmentation locale ou totale, voire la pulvérisation du satellite touché. Le risque majeur étant de se retrouver face à la mise en application du Syndrome de Kessler, soit une réaction en chaîne de collisions redoutée en orbite basse.


Quatre grandes sources pour les débris spatiaux :

  • Les lancements (au nombre de 92 en 2014, ils ont généré 334 objets catalogués)
  • Le vieillissement des matériaux (protections thermiques, peintures, mylars…) engendrant principalement de toutes petites cellules
  • Les fragmentations (280 enregistrées fin 2013), volontaires ou non délibérées, même si ces dernières diminuent fortement grâce aux règles de passivation destinées à rendre les satellites inertes (évacuation des liquides inflammables)
  • Les collisions, encore assez rares (5 collisions officielles recensées entre objets catalogués mais on en suspecte 64 liées à de plus petits débris).

Une chute inéluctable ?
Pour Christophe Bonnal, la question des débris ne concernent pas uniquement les objets en gravitation mais également la terre ferme. « Tout ce qui monte, descendra, notamment les objets orbitaux en orbites basses qui rentrent dans l’atmosphère au bout d’un temps en fonction de leur attitude. Lors de cette rentrée, la majorité des matériaux se vaporisent mais entre 10 et 40 % de la masse des matériaux réfractaires surviennent, notamment les plus massifs ou dotés de structures imbriquées – appelés « les poupées russes » – et ceux qui supportent d’importantes températures. Il existe également les feuilles mortes, des objets très légers pour leur surface qui finissent leur vie en descendant à très faible vitesse. Par exemple, des tôles très fines en aluminium. » Le risque existe donc bel et bien, d’autant qu’il n’y a aucun moyen de savoir avec précision quand un impact va se produire à ce jour. « On ne peut le savoir qu’à environ 10 jours +1, poursuit l’expert. Mais si on sait à peu près quand, on ne sait pas où le débris tombera. Tout s’éclaire le jour d’avant même si le point de chute ne pourra être donné avec précision : une erreur de deux minutes sur la précision de rentrée équivaut à 1000 km d’écart ! C’est une vraie épée de Damoclès, d’autant qu’on dénombre un ou deux objets entrant chaque jour et un ou deux gros objets intègres (satellites ou étages) par semaine. Cela représente un risque potentiel de victimes au sol. Or, pour l’instant, on ne connaît qu’une seule victime aux États-Unis, Lottie Williams, blessée par une feuille morte à l’épaule en 1997. »

Retrouvez la suite de la conférence dans la deuxième partie consacrée à la table-ronde abordant les pistes permettant de répondre à cette problématique.