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Aéronautique / Evénements

Une plongée dans l’univers de la Patrouille de France avec le Commandant Christophe Dubois

Le jeudi 27 avril, les campus parisien et toulousain de l’IPSA ont eu la chance de pouvoir échanger avec un grand nom de l’aéronautique à la française : le Commandant Christophe Dubois, actuel leader de la Patrouille de France (PAF). En direct depuis les États-Unis où la PAF effectuait son US Tour (afin de commémorer l’intervention américaine lors de la première Guerre mondiale), le pilote émérite a ainsi répondu aux nombreuses questions des étudiants sur son parcours, ses souvenirs marquants et les particularités de cet escadron reconnu (et reconnaissable) dans le monde entier.


Francis Pollet, le directeur général de l’IPSA, était présent pour mener la visioconférence sur le campus de Paris


Cela fait maintenant trois ans que le Commandant Christophe Dubois fait partie de la PAF. Leader depuis 2016, il la quittera dans 6 mois pour ainsi finir sa « carrière opérationnelle » et « rejoindre les équipes de communication de l’Armée de l’Air ». Passé par l’École de l’air de Salon-de-Provence, le pilote a suivi un parcours classique avant d’intégrer cette patrouille d’élite. « Dans l’Armée de l’air, il y a deux types de pilotes de chasse : les ingénieurs aéronautiques comme moi, qui sortent de l’Ecole de l’air et sont appelés à prendre de postes à responsabilité, et ceux qui ne font que piloter, arrivés dans l’Armée après le bac. »

Des moments forts
Avec un nombre impressionnant de vols effectués, le pilote a évidemment quelques beaux souvenirs en mémoire. Son plus beau ? « Le vol au-dessus du Château de Versailles, il y a deux ans, en sachant qu’il est normalement très difficile de survoler ce monument pour des problèmes d’assurance. En tant que passionné de châteaux, pouvoir faire ça, avec le soleil couchant, c’était juste fabuleux. Un moment encore plus marquant le survol de la Statut de Liberté et du Golden Gate. » L’homme concède aussi des expériences moins agréables… comme cette présence de la PAF en Allemagne, lors d’un rassemblement de planeurs ! « On s’est retrouvés au milieu de la bataille d’Angleterre ! Il y avait des avions à éviter de partout ! »

La place des femmes pilotes
Pour lui comme la totalité des pilotes de France, la PAF représente un aboutissement, une récompense, qui ne concerne que peu d’élus : la patrouille ne comptant que 8 alphajets pour neuf pilotes. Et si elle est actuellement uniquement composée d’hommes, la PAF n’est pourtant pas un club 100 % masculin, comme le montrait le rôle de leader occupée pour la première fois par une femme, Virginie Guyot, en 2010. Selon le Commandant Christophe Dubois, cette situation tient plus de la logique et d’un plan de carrière qu’autre chose. « Quand on entre dans la PAF, c’est en fin de carrière. Il faut être chef de patrouille et avoir un nombre minimum de vols. Le fait est qu’être pilote de chasse demande beaucoup de sacrifices familiaux et qu’intégrer la PAF en demande encore. Nos nouveaux pilotes ont 33-34 ans en moyenne et ne savent pas quand ils quitteront la patrouille. Du coup, si l’on n’a pas eu d’enfant avant, on peut légitiment se poser la question d’y entrer ou non. Cela explique donc l’absence de femmes. Pour autant, l’Armée de l’Air est aujourd’hui la plus féminisée des trois armées de France : elle compte 17 femmes pilotes de chasse, sans compter les navigatrices ! »

Représenter la France
Selon le Commandant, la PAF a deux missions principales : l’une au niveau national, l’autre à l’étranger. « En France, la PAF est un vecteur de recrutement. Elle est là pour représenter le savoir-faire de l’Armée de l’Air et montrer comment avec des entrainements et des gens très motivés, on arrive à un tel niveau d’excellence. Sur le plan international, la PAF occupe davantage un rôle d’ambassadeur de l’aéronautique française. Ainsi, notre présence lors de cet US Tour sert à commémorer l’entrée en guerre des Américains en 1917 et souligner la fraternité qui nous lie avec le peuple américain. Il faut savoir que, tous les jours, des pilotes de chasse français et américains se battent ensemble sur le théâtre d’opérations. »

Ne laisser passer aucun détail
Mais la PAF, ce n’est pas que des pilotes. Derrière eux se trouvent une équipe élargie de 40 personnes afin de permettre à l’escadron de gérer toute l’année « trois piliers » majeurs : l’opérationnel (les vols, les entraînements, la formation des pilotes…), la logistique (les mécaniciens…) et la communication (« un point de plus en plus important »). Une organisation rôdée donc, qui se ressent dans l’agenda chargé des pilotes. « À Salon-de-Provence, en période d’entraînement, les journées sont pleines : on commence à 8 h du matin et on ne rentre chez soi qu’à 19h/20h. Durant la saison des meetings aériens, on part le jeudi et on rentre le lundi. C’est un programme très dense. On ne sort que très peu la tête de l’eau : on pense boulot du jeudi au lundi soir. Du coup, l’usure est plus liée à cela qu’au G que l’on peut subir en vol (soit 5 à 5,5 G en vol groupé et jusqu’à 7 G pour les solos). Le corps humain étant bien fait, le vol n’est jamais fatigant en soi. Une fois que nous avons atterri, on pourrait même très bien redécoller dans la foulée car l’envie est toujours là ! »



Et quand il s’agit de préparer un long périple comme l’US Tour, la PAF sait aussi se renforcer. « Pour armer cette tournée, la construction a commencé il y a un an, après que l’on ait reçu une invitation de Kansas City pour la commémoration. On s’est alors préparé, sans trop savoir si cela allait aboutir. Finalement, la confirmation est tombée au mois de janvier 2017, soit 3 mois avant le départ ! Chaque pilote s’est vu responsable d’un segment de la tournée et a dû planifier chaque seconde des journées à venir avec deux mois d’avance. La PAF a également accueilli trente personnes supplémentaires. Ainsi, pour chaque étape, un avion d’Airbus nous suit, avec dedans un médecin, une équipe de communication, une commissaire garante des logements et de la restauration, etc. Il a fallu aussi préparer le voyage car il est impossible d’aller aux États-Unis d’une traite, nos alphajets ne pouvant être ravitaillés en vol. Notre route correspond donc à des sauts de puce : de Salon de Provence, nous sommes passés par l’Ecosse, l’Islande et le Groenland, avant d’arriver à New York… Un voyage de six jours ! Le tout en laissant deux avions « cassés » au Canada, qui nous ont rejoint ensuite. Il faut dire que les conditions pour les machines sont difficiles par grand froid, ne serait-ce que la mise en route des moteurs. »

Un US Tour déjà mémorable
L’air de rien, la PAF n’était plus passée aux États-Unis depuis 31 ans. L’US Tour de 2017 est donc un réel événement pour les pilotes, comme pour leurs homologues et le public américain. « En France, on nous voit très souvent comme un « média ». Ici, on fait le même travail, mais on nous voit en tant que la France : c’est le bleu blanc rouge de nos fumées, nos couleurs. On a à cœur de spécifier que nous sommes l’Armée de l’Air et le fait de revêtir ce costume d’ambassadeur est très différent. D’ailleurs, l’accueil des Américains pour la France, et encore plus pour nos militaires, est incroyable. Sur place, nous avons pu faire de super rencontres, comme avec les patrouilles des Thunderbirds et des Blue Angels. Au fond, nous faisons le même métier et partageons les mêmes valeurs, avec un référentiel diffèrent. En fait, eux sont comme des enfants devant nous… et c’est pareil pour nous ! »



Des meetings différents de l’autre côté de l’Atlantique
Que ce soit en Europe comme aux États-Unis, les meetings aériens sont très encadrés et ne pardonnent pas un manque d’organisation. « Sur nos meetings en France, les législations sont très strictes. On est suivi trois fois dans l’année par une Commission de la sécurité des vols lors des entraînements, cette dernière étant composée de personnels civils, de généraux, de l’armée de l’air et d’anciens membres de la PAF. Beaucoup d’autres pays font la même chose et, aux États-Unis, avant de faire une démonstration, il faut la faire certifier par une commission américaine. Ce que nous avons fait, en sachant que pour marquer le coup, nous avions voulu créer une démonstration faisant un bon compromis entre les législations américaine et française. »

Ainsi, si en France les avions ne peuvent pas survoler le public d’un meeting, la donne est différente chez l’Oncle Sam. « Au point de vue démonstration, les Américains sont plus pragmatiques. Ils vont créer une « aerobatic box », dans laquelle on peut faire n’importe quoi, comme voler à 20 cm du sol, se poser sur un camion, survoler le public… La seule chose, c’est qu’on n’a pas droit de pointer le public avec notre vecteur vitesse. Ce sont des pratiques impossibles à voir en Europe. » Pour autant, le leader de la PAF estime que la France n’a rien à envier à ses homologues étrangers. « C’est vrai que leur partie spectacle au sol est extrêmement impressionnante à voir. On peut en tirer quelques leçons, oui, mais ce n’est pas compatible avec ce qu’on fait nous en France. Après, les Américains sont vraiment bons dans le show, comme avec l’utilisation de la musique – que nous considérons à juste titre comme le 9e avion de l’escadron. Mais en toute humilité, je pense que la PAF leur a fait réaliser qu’ils n’étaient pas forcément les meilleurs. Finalement, le niveau américain est puissant, précis et magnifique. Mais en tant que spectateur, on s’ennuie un peu. D’ailleurs, depuis notre rencontre, le leader des Thunderbirds a convoqué trois généraux afin de remettre en cause son entraînement et changer leur démonstration qui n’avait pas évolué depuis 15 ans. »