La physique nucléaire et des particules, un domaine formateur et passionnant pour les futurs ingénieurs de l’IPSA !
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La physique nucléaire et des particules, un domaine formateur et passionnant pour les futurs ingénieurs de l’IPSA !

 

Enseignant en physique à l’IPSA Paris, Marco Martini est également chercheur au sein de la Direction de la Recherche et de l’Innovation de l’IPSA (DR2I) ainsi qu’au Laboratoire de Physique Nucléaire et de Hautes Energies (LPNHE) grâce à une convention d’accueil liant l’école à Sorbonne Université. Une double casquette qui permet à ce spécialiste des neutrinos de cultiver et transmettre sa passion.

 

La physique nucléaire et des particules, un domaine formateur et passionnant pour les futurs ingénieurs de l’IPSA !

Marco Martini

 

À l’IPSA, Marco Martini enseigne la physique classique notamment la mécanique, aux étudiants du programme Bachelor ainsi qu’aux étudiants du Cycle préparatoire, « avec l’espoir de pouvoir leur donner un bagage, une démarche intellectuelle qui leur restera pour la suite ». En compagnie des étudiants de la fin du Cycle Ingénieur, il aborde plutôt « des sujets liés aux rayonnements cosmiques, au Machine Learning et à l’intelligence artificielle ». Mais avant de débuter son aventure IPSAlienne en 2019, le principal intéressé a d’abord enchaîné les collaborations et les post-doctorats un petit peu partout en Europe. « J’ai commencé en Italie d’où je suis originaire, puis en France, en Suisse et en Belgique, explique-t-il. Ce que je fais, c’est typiquement de la recherche fondamentale en physique théorique et nucléaire sur plusieurs aspects, en collaboration avec des professeurs et des chercheurs des différents laboratoires et universités que j’ai pu fréquenter durant mon parcours. »

 

Qu’est-ce qui vous plaît tant dans la physique et la recherche ?

Marco Martini : Tout simplement le fait que la recherche fondamentale en physique ne se termine jamais ! Prenons le cas du nucléaire : même si c’est une science qui, maintenant, date d’une centaine d’années, il y a encore de très nombreux noyaux instables ou exotiques dont on ne connaît pas réellement les propriétés aujourd’hui, alors que ces noyaux peuvent être très importants pour l’astrophysique nucléaire. Parmi les grandes questions ouvertes sur lesquelles se penche la recherche actuellement, il y a la suivante : d’où viennent les éléments qui se trouvent sur Terre ou dans le système solaire ? Où sont formés certains éléments plus lourds que le fer ? Jusqu’au fer, on le sait, mais au-delà, on cherche encore les réponses. Pour trouver ces réponses, il faut bien évidemment de la physique nucléaire rattachée à l’astrophysique, comme pour la nucléosynthèse par exemple.

 

En septembre 2022, vous avez pu réaliser deux interventions lors du la 53e édition de l’école de Gif, un rendez-vous important sur la physique des particules, afin de parler de l’un de vos sujets de prédilection : les neutrinos. De quoi s’agit-il ?

Marco Martini : Les neutrinos sont des particules très particulières qui ont été découvertes assez récemment. En effet, ce sont les particules qui interagissent le moins parmi toutes les autres : elles sont également les plus légères, tellement que certaines personnes présentent le neutrino comme la chose existante la plus proche du « rien ». Par exemple, prenons le cas d’un faisceau de particules qui pourrait traverser une brique de plomb longue comme une année lumière : et bien, sur ce faisceau, même si le plomb est très dense et qu’une telle épaisseur est énorme, seulement la moitié de ces neutrinos interagiraient ! Enfin, une autre particularité des neutrinos est que, même s’ils interagissent très peu, ils sont très nombreux : toutes les secondes, il y a près de 65 milliards de neutrinos qui traversent chaque centimètre carré – par exemple un ongle – de notre corps !

 

 

D’où viennent les neutrinos et comment peut-on les détecter s’ils sont aussi proches du « rien » ?

Marco Martini : Il existe de nombreuses sources de neutrinos : le soleil, les supernovas, la Terre et tous les éléments de radioactivité naturelle… mais aussi des sources du fait de l’Homme comme les réacteurs nucléaires et les accélérateurs de particules.  Ces sources créant beaucoup de neutrinos – on parle de de 10²⁰ neutrinos par seconde –, on peut tout de même parvenir à en détecter certains même si le niveau d’interaction est infime. Et une fois qu’on les détecte, on peut étudier leurs propriétés. Il y a 5-10 ans, la physique des neutrinos était encore une physique de découverte – comme ils interagissent très peu, il y avait plein de propriétés à découvrir – mais, désormais, nous sommes en train de vivre le passage entre la physique de découverte et la physique de précision !

 

Que peut nous apprendre l’étude des neutrinos ?

Marco Martini : L’une des grandes questions auxquels les expériences sur la physique des neutrinos pourraient répondre serait pourquoi il y a une asymétrie entre matière et antimatière dans notre univers : par exemple, pourquoi il existe plus de protons que d’antiprotons ? En effet, l’univers est formé essentiellement de matière et très peu d’antimatière, qui disparaît très vite. D’où vient donc cette asymétrie ? Et pour répondre à cette question, il faut des technologies hyper poussées pour mener des expériences, c’est-à-dire avec un développement important de tout ce qui est matériel mécanique, électronique et informatique pour obtenir les outils nécessaires à la recherche fondamentale. D’ailleurs, on peut également rappeler que les neutrinos issus du Big Bang sont les éléments les plus nombreux présents dans l’univers. Or, même si leur masse est presque négligeable singulièrement, leur masse globale est comparable à la masse de toutes les étoiles !

 

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Comment les neutrinos pourraient nous aider à résoudre ce mystère lié à l’asymétrie entre matière et antimatière ?

Marco Martini : Au niveau des particules élémentaires, il faut savoir que chaque particule d’antimatière possède les mêmes propriétés et la même dignité d’une particule correspondante de matière. Ainsi l’antiélectron – qui est tout simplement un électron positif (d’où son nom de positron) – possède les mêmes propriétés que l’« habituel » électron négatif. Pour autant, il existe dans l’univers beaucoup plus d’électrons et protons que d’antiélectrons et antiprotons. C’est à ce niveau qu’interviennent les différentes expériences menées sur les neutrinos actuellement, pour tenter de comprendre les raisons de cette violation de symétrie. Il faut savoir que les neutrinos existent en trois « saveurs » : électronique, muonique et tauonique. Ils sont créés avec une saveur spécifique par des processus d’interaction faible. Mais quand les neutrinos se propagent dans l’espace, ils perdent leur identité : cela signifie que lorsqu’ils sont détectés après avoir parcouru une certaine distance, ils peuvent avoir une saveur différente par rapport à leur saveur initiale. C’est le phénomène d’oscillation des neutrinos. L’asymétrie matière-antimatière pourrait se manifester par une différence dans les probabilités d’oscillation des neutrinos et des antineutrinos.

 

C’est sur cela que portent vos recherches ?

Moi, en tant que théoricien, je fais des calculs sur la probabilité d’interaction des neutrinos et des antineutrinos avec les noyaux atomiques utilisés pour les détecter. Il faut pouvoir bien modéliser cette interaction si on veut s’assurer qu’une possible asymétrie dans les mesures effectuées en mode neutrino et antineutrino soit liée à une différente probabilité d’oscillation et non plutôt à une asymétrie des effets nucléaires. Pour cela, depuis une bonne quinzaine d’années, je collabore avec des théoriciens de l’Université Claude Bernard Lyon 1 et, depuis 2020 je suis intégré, grâce à ma convention d’accueil avec Sorbonne Université, à un groupe de recherche rattaché à une expérience se déroulant au Japon qui s’appelle T2K et qui cherche de mesurer cette potentielle asymétrie matière-antimatière dans le secteur des neutrinos. Est-ce que les données cumulées seront suffisantes pour trancher la question de façon finale ? Probablement pas et il y a d’ailleurs d’autres expériences déjà envisagées ! On peut espérer avoir une réponse d’ici 10 ou 20 ans pour enfin comprendre pourquoi il y a cette asymétrie entre matière et antimatière.

 

 

Pourquoi est-ce important pour les futurs ingénieurs de l’IPSA, qui évolueront en grande partie dans l’aéronautique ou le spatial, de s’intéresser au sujet des neutrinos ? 

Marco Martini : Les neutrinos en eux-mêmes ne sont pas du tout dangereux car ils n’interagissent pratiquement jamais. Cependant, cela reste des particules appartenant au modèle standard et ils font partie des rayons cosmiques. Or, dans l’un de mes cours à l’IPSA, j’aborde justement la question du rayonnement cosmique et insiste davantage sur le cas d’autres particules et rayons à la fois très importants et très dangereux, comme les protons qui viennent du soleil, de l’espace ou les noyaux plus lourds. Aborder la question des rayons cosmiques avec de futurs ingénieurs est essentiel car c’est l’une des contraintes fondamentales pour concevoir les futures missions spatiales. Ces dernières seront confrontées à d’importants rayonnements ionisants et donc à beaucoup de radioactivité, ce qui peut endommager les tissus humains comme les appareils électroniques. Ces étudiants auront peut-être, à l’avenir, pour défi de trouver comment protéger les futurs pilotes de ces missions. D’ailleurs, ce problème de rayonnement concerne aussi les pilotes d’avion : eux sont confrontés à des rayons cosmiques secondaires, bien sûr, mais qui peuvent s’avérer tout de même dangereux s’ils passent trop de temps dans le ciel. Aborder la physique fondamentale, en particulier les neutrinos et les noyaux, sert à ouvrir les yeux des étudiants sur ces problématiques. D’ailleurs, il arrive même que certains d’entre eux décident de poursuivre sur le sujet, notamment en choisissant des stages dédiés ou en faisant même une thèse ensuite ! Un autre avantage d’étudier le sujet porte sur les outils utilisés dans ce domaine : les outils informatiques pour faire mes recherches sont utilisables dans plein d’autres domaines pour traiter les données, les manipuler, en intégrant de la programmation, de l’intelligence artificielle… Ce sont des sujets particulièrement porteurs et très demandés sur le marché de l’emploi !

 

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