« Romain Grosjean, un des pilotes les plus talentueux du paddock. » Julien Simon-Chautemps (IPSA promo 2002), Race Engineer F1 pour l’équipe Lotus.
Dans son édition du 23 mai 2015, en marge du Grand Prix de Monaco de Formule 1 qui se déroulait au même moment, le quotidien Nice Matin a interviewé Julien Simon-Chautemps (IPSA promo 2002), un Ancien de l’école aujourd’hui Race Engineer F1 pour l’équipe Lotus où évolue Romain Grosjean. L’IPSA vous propose de retrouver l’interview et ses photos ci-dessous, avec l’aimable autorisation de Nice Matin. Propos recueillis par Christophe Depiot ; Photo de Jean-François Ottonello.
Julien Simon-Chautemps et Sébastien Grosjean
C’est l’histoire d’une ascension remarquable, autant que linéaire. Celle d’un gamin de Saint-Aygulf qui, ayant respiré très tôt les effluves du ricin et de la gomme, a choisi de les faire siens. Sans toutefois cocher la case « baquet/volant ». Car c’est bien la mécanique, les cylindres et leur cortège de pistons qui passionnaient davantage Julien Simon-Chautemps.
Après une école renommée, l’IPSA, il s’est attaché à gravir, sinon la grille de départ, du moins celle des diverses formules et championnats auto. Rallye, GT, ALMS, Australian V8 Supercars, Formule Renault 2.0, F3 Euro séries, GP2 et… enfin le Graal absolu sa majesté Formule 1 ! Désormais en duo avec Romain Grosjean chez Lotus, après avoir œuvré aux côtés de Petrov et Räikkönen, Julien nous a accordé volontiers, à Monaco, un peu de son temps précieux, car minuté. Interview.
Julien, d’abord en quelques mots, votre parcours ?
Je suis originaire de Saint-Aygulf dans le Var. J’ai fait là-bas mes études primaires et secondaires avant de partir à Paris pour une école d’aéronautique. C’est un parcours classique d’ingénieur de cinq ans qui m’a permis de faire pas mal de stages.
En gravissant chaque fois les échelons ?
Oui. Vous savez, j’ai d’abord commencé par laver les roues des camions, ça a été mon premier job, et aujourd’hui me voilà ici ! C’est un peu un parcours de pilote, mais dans un autre rôle. Cette année, je suis en charge d’une équipe de quatre ingénieurs et d’un groupe de cinq mécaniciens attachés à la voiture de Romain Grosjean.
L’automobile, c’était écrit ?
Je suis passionné depuis que j’ai eu 12 ou 13 ans. J’ai toujours adoré le motorsport (sic) et la F1. Mon papa m’emmenait à Monaco, j’ai fait aussi le rallye du Var. J’ai toujours aimé ça.
Pour un ingénieur, la F1, ça doit être le pied, non ?
Bien sûr, c’est comme si vous comparez un club de National à la Ligue 1. C’est le même métier mais avec des moyens différents et des technologies ultimes.
Travailler au plus près d’un pilote, c’est le sommet de la pyramide ?
Oui et ça a toujours été mon ambition. Je n’ai jamais voulu devenir pilote. Ce qui m’intéressait c’est la technique, l’aspect scientifique.
Pas d’expérience en piste ?
Juste du kart pour le plaisir.
Quelle est la part de responsabilité de l’ingénieur dans les résultats du pilote ?
Il y a le côté technique, mais la part de psychologie est tout aussi, voire beaucoup plus importante. Dans mon précédent rôle, j’étais concentré à fond sur la technique alors que là, je dois gérer du management, de l’humain.
Parlez-nous de Romain…
C’est un pilote très, très talentueux, c’est clair. Comme tous les sportifs de haut niveau, il faut le canaliser et faire en sorte qu’il soit à 100 %. Pour cela, il faut bien l’entourer, le rassurer, ne pas hésiter à le complimenter, etc.
Comment le définiriez-vous ?
C’est quelqu’un de très chaleureux. Encore une fois, on s’est connus dès la Formule 3 et on a fait quasiment la même carrière, chacun dans son job. C’est un des pilotes les plus talentueux du paddock. Il est très facile à travailler. Mais comme tous les pilotes, il sait aussi ce qu’il veut donc ce n’est pas un mouton.
Vous avez votre mot à dire ?
Oui, mon rôle, c’est aussi de lui dire : « Si tu fais ça, tu vas aller plus vite. » Car à la fin, le but du jeu, c’est toujours d’aller plus vite ! Il est très compétent techniquement et, ça, c’est très différent d’autres pilotes avec lesquels j’ai pu travailler… Il comprend beaucoup la voiture.
A-t-il justement, cette saison, une voiture à la mesure de son talent ?
La saison dernière, c’était compliqué… Aussi bien côté Renault que côté écurie. Cette année, on a clairement fait un step (sic) en avant (gravi une marche, NDLR).
Est-il satisfait ?
Je pense qu’il est très content de voir qu’avec les moyens qu’on a, qui sont clairement limités, on arrive quand même à être quatrièmes du championnat. Alors qu’on bosse avec un tiers, voire un cinquième ou un sixième du budget de teams comme Ferrari…
Pour un ingénieur, ce doit être frustrant de manquer de moyens…
Bien sûr, car on sait très bien ce qu’on pourrait faire avec davantage d’argent. Et c’est ce que j’expliquais à Romain. Il y a deux solutions dans ce cas-là : ou tu te mets à pleurer dans ton coin en disant c’est dégueulasse, ou tu baisses la tête et tu essaies de faire mieux pour dépasser tes objectifs. Lotus a toujours été un team réputé pour faire « punch above your shoulder » (aller plus haut que ton épaule, NDLR).
La suite, pour vous, ce serait un top team ou team principal ?
Oui, j’aimerais beaucoup m’accomplir dans un rôle comme celui d’Eric Boullier (IPSA promo 1999), pour gérer une écurie. Je suis quelqu’un de plutôt ambitieux, donc je ne vais pas me cantonner à ce rôle toute ma vie. On verra bien !